La vie est faite de contrastes et de nuances. Rien n’est jamais complètement blanc ou noir. Mais lorsque l’on doit faire face à un deuil périnatal, tout devient soudain moins nuancé. Il y a des jours avec et des jours sans. Des jours blancs et d’autres noirs. Tout commence au moment où la vie se heurte à la mort. Dans son livre « Traverser l’épreuve d’une grossesse interrompue », Nathalie Lancelin-Huin compare ce choc à celui que connaîtrait un athlète en plein saut en longueur si un mur se dressait soudain devant lui.
Aujourd’hui, onze semaines après le départ d’Alice – je compte encore les semaines, bientôt je compterai les mois… – je vais encore un peu mieux. Mais mon regard sur la vie a changé et je m’accroche à tout ce qu’elle offre de plus beau pour continuer d’avancer coûte que coûte car je sens bien qu’une certaine fragilité s’est installée en moi. Je suis comme en équilibre sur le fil de la vie et j’oscille constamment entre bonheur et tristesse, entre l’envie d’avenir et celle de me raccrocher à un passé qui ne me laissait rien entrevoir de l’épreuve qui m’attendait. Il y a ces moments où je ressens un bien-être profond et où je me dis que la vie a tout de même été clémente avec moi. J’ai vécu une très belle enfance grâce à des parents aimants, j’ai rencontré des personnes magnifiques qui sont devenus mes amis et j’ai eu l’immense chance de croiser la route de celui avec qui je partage ma vie aujourd’hui, cet être solaire qui est à la fois mon meilleur ami et mon amoureux, et qui a fait de moi une maman. Certaines fois, ce sentiment agréable dure toute une journée, voire deux, et penser à Alice est comme une caresse. Et puis, il y a ces jours où je perds l’équilibre, souvent lorsque je croise des femmes enceintes ou avec leur nouveau-né serré tout contre elles (à ce propos, je serais reconnaissante aux forces surnaturelles de notre monde d’éviter de mettre plus d’une femme enceinte sur mon chemin dans la même journée…). La tristesse m’envahit alors et je refuse la réalité de l’absence d’Alice. Mais heureusement, ces moments ne durent jamais et je reprends sans trop tarder mon numéro d’équilibriste en espérant que ma vie retrouvera bientôt toutes sa palette de couleurs.